Philosophie

Textes sur les questions sociales et philosophiques

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La valorisation de la bourgeoisie par la figure du transclasse

La notion de “transclasse” fonctionne en réalité comme un outil idéologique servant à valoriser toujours la classe bourgeoise. En effet, celui qui s’élève par l’éducation ou par son travail est présenté comme accédant au statut bourgeois, comme si ce dernier était naturellement supérieur à celui de prolétaire.

Or, nombre de prolétaires qui s’émancipent par l’instruction ou la réussite professionnelle demeurent des prolétaires. Ils deviennent simplement des prolétaires éduqués, prospères, des prolétaires autonomes. Ils ne renient en rien leur origine sociale, mais au contraire, portent haut les valeurs de leur classe. Les faire entrer dans la catégorie des “transclasses” revient à nier cette fidélité, et à insinuer que l’idéal est ailleurs du côté bourgeois. Cela suppose encore que les valeurs de la bourgeoisie seraient, par essence, plus désirables.

Mais pour celui qui s’émancipe réellement, s’intégrer à la bourgeoisie peut apparaître non comme une réussite, mais comme une forme d’aliénation. C’est justement parce que le prolétaire s’élève qu’il incarne la force d’émancipation propre à sa classe. Cette force n’est pas individuelle, elle est porteuse d’idéaux universels, d’une exigence morale supérieure : l’égalité, la solidarité, la justice.

Ainsi, le passage du prolétariat à la bourgeoisie ne saurait être considéré comme une émancipation. Au mieux, il s’agit d’un reniement, d’un abandon des valeurs qui font du prolétariat une classe d’avant-garde.

De l'importance du cadre mental dans la montée des extrêmes

Au XIe siècle, le cadre mental des habitants d’Europe était structuré par les Écritures. La Bible, ainsi que les textes et les discours de l’Église, fournissaient à la fois un cadre moral, une explication du monde, et une lecture des phénomènes naturels et sociaux. Quand les récoltes étaient bonnes, cela signifiait que les fidèles avaient vécu pieusement, commis peu de péchés. Mais lorsque la peste frappait, que les catastrophes naturelles se multipliaient ou que le bétail mourait, c’est dans ces mêmes textes que l’on allait chercher une explication : le péché, la colère divine, les hérétiques ou les forces du mal.

Il fallait alors expier, partir en croisade, chasser les impies. Et parfois, brûler des sorcières ou accuser les Juifs d’avoir empoisonné les puits. Le cadre intellectuel nourri par la Bible structurait tout l’imaginaire collectif. Les gens faisaient avec les outils qu’ils avaient, et ces outils façonnaient leur perception de la réalité, avec les conséquences qu’on connaît.

Aujourd’hui, une population acculturée au néolibéralisme et abreuvée de culture nord-américaine ne peut plus penser hors du cadre imposé par cette idéologie dominante. Comme les populations médiévales, elles doivent faire avec ce qu’elles ont. Et lorsque quelque chose dysfonctionne dans la société, on n’interroge pas le système lui-même : on désigne des coupables. Les étrangers, les marginaux, les "déviants".

C’est sans doute cela qui alimente la montée de l’intolérance et, avec elle, le succès croissant de l’extrême droite.